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ENTREPRISES LE MONDE / VENDREDI 16 AVRIL 1999 / 23
Malaise autour d’Action contre le raid de la BNP
Alors que cinq cadres de la Société générale ont dénoncé ano-
nymement, dans Libération du 14 avril, le jeu personnel de Daniel
Bouton, le président de la banque, plusieurs de leurs jeunes col-
lègues commencent à trouver les méthodes de mobilisation de la
direction un peu « lourdes ». Tous les cadres sont sollicités avec in-
sistance pour adhérer (en donnant de 250 à 1 000 francs, ou plus) à
une association intitulée Action contre le raid de la BNP. Celle-ci est
pilotée par la hiérarchie de la banque, notamment par Yves Tuloup,
l’un des responsables des activités de marché. Ceux qui n’adhèrent
pas risquent d’être placés « sur liste rouge », constate un syndica-
liste, qui conteste ces méthodes et cette concurrence déloyale.
Usinor vend Ascométal
et supprime 840 emplois
USINOR semble vouloir mener
sa réorganisation au pas de charge.
Décidé, depuis l’automne, à se sé-
parer de ses activités dans les aciers
longs et spéciaux, le groupe sidé-
rurgique a annoncé, mercredi
14 avril, la cession de ses dernières
filiales dans ces métiers. Ascométal
et sa filiale de forge Safe, qui re-
présentent un ensemble de 750 mil-
lions d’euros de chiffre d’affaires
(4,9 milliards de francs) et em-
ploient 3 500 personnes, vont être
vendus au groupe italien Lucchini,
actionnaire et partenaire de longue
date d’Usinor. Allevard Ressorts
Automobile (145 millions d’euros
de chiffre d’affaires, 900 personnes)
sera vendue à la firme italienne So-
gefi, du groupe De Benedetti. Enfin,
Allevard Stedef, petite unité spécia-
lisée dans les rails, va être reprise
par la société Railtech.
Après la vente d’Unimétal au
groupe indien Ispat, cette série de
cessions marque la fin de la straté-
gie de développement d’Usinor sur
tous les marchés de l’acier. Depuis
le rachat du belge Cockerill-
Sambre, le groupe ne veut plus se
concentrer que sur les aciers plats
techniques (Sollac) et les aciers
inoxydables (Ugine), secteurs à plus
forte valeur ajoutée et donc moins
sensibles à la concurrence.
Si ce redéploiement est salué en
Bourse – le titre a progressé de
52 % depuis le début de l’année –, il
suscite un malaise grandissant par-
mi les salariés. D’autant que cette
nouvelle stratégie s’accompagne
d’une réorganisation en profon-
deur de toutes les unités restantes
pour améliorer la compétitivité.
Usinor prévoit, dans ce cadre, de
supprimer entre 2 500 et 3 000 em-
plois en trois ans.
SANS LICENCIEMENT
Mercredi, un comité central d’en-
treprise de Sollac s’est réuni, dans
une atmosphère tendue, pour étu-
dier la suppression de 840 postes,
dès cette année. Les principaux
sites touchés seraient Florange
(Moselle), Dunkerque (Nord) et Fos
(Bouches-du-Rhône) et l’ensemble
Lorfonte en Lorraine. La direction
prévoit d’appliquer cette mesure
sans licenciement mais en jouant
sur le temps de travail. Les salariés
de plus de 55 ans seraient mis en
pré-retraite, ceux de plus de 50 ans
se verraient imposer des temps par-
tiels, les autres des semaines de tra-
vail de 35 heures payées sur cette
base horaire.
L’ensemble des syndicats (CGT,
CFDT, FO, CGC) conteste vivement
ce plan. « Une fois de plus, tous les
efforts de productivité sont demandés
aux salariés », proteste la CGC. La
CFDT souligne le « détournement »
de la loi sur les 35 heures et craint
un précédent au moment où des
négociations générales sur le temps
de travail se sont engagées dans le
groupe depuis le 7 avril. Jugeant ne
pas avoir reçu les éléments néces-
saires sur la réorganisation et le
plan social de Sollac, le comité
d’entreprise a refusé de donner son
avis. Il s’apprête à saisir la justice
pour faire casser la procédure.
Martine Orange
Le Crédit agricole épargné
dans l’affaire Unipierre V
LE TRIBUNAL de grande instance de Paris a débouté des petits por-
teurs d’Unipierre V, une société civile de gestion immobilière (SCPI)
de la Caisse nationale du crédit agricole, qui se plaignaient des pertes
enregistrées sur ce placement immobilier vendu comme sûr. Le tribu-
nal a estimé qu’il n’y avait pas publicité mensongère de la part de la
CNCA, ni de sa filiale Uniger, chargée de la gestion de cette société ci-
vile de placement immobilier. Il a jugé qu’il n’y avait pas eu non plus
manquement au devoir d’information, de loyauté, de conseil et de
prudence.
Le cabinet Déminor, qui représentait 451 porteurs de parts de la SCPI
dans cette affaire, se dit « estomaqué » par cette décision. Elle est
d’autant plus surprenante, selon Déminor, que la Commission des
opérations de Bourse aurait récemment envisagé de retirer son agré-
ment à Uniger. Seule consolation pour le cabinet spécialisé dans la
défense des actionnaires minoritaires, le Crédit agricole qui le pour-
suivait pour diffamation, a été débouté dans sa demande.
Deutsche Telekom augmente son
capital pour financer des acquisitions
L’OPÉRATEUR de télécommunications Deutsche Telekom a annon-
cé, jeudi 15 avril, qu’il procédera avant l’été à une augmentation de
capital qui pourrait lui rapporter jusqu’à 11,5 milliards d’euros
(75,4 milliards de francs). Cette opération, a précisé la société, lui ser-
vira à financer des acquisitions « pour renforcer sa position de leader
sur un marché des télécommunications en constante évolution en Eu-
rope et dans le monde entier. » Ni l’Etat allemand, ni la banque pu-
blique KFW, qui détiennent encore 74 % du capital de l’opérateur, ne
participeront à cette augmentation. Les nouvelles actions seront pla-
cées en Bourse. C’est la première fois depuis sa privatisation que
Deutsche Telekom reviendra sur le marché. En novembre 1996, l’Etat
avait placé 713,3 millions d’actions, ce qui lui avait rapporté 10,74 mil-
liards d’euros (70,4 milliards de francs).
L’action Deutsche Telekom était en baisse, jeudi à l’ouverture, en rai-
son des résultats trimestriels annoncés le même jour : au cours des
trois premiers mois de 1999, le bénéfice a stagné et le chiffre d’affaires
a fondu de 6,9 %, en raison de la baisse des tarifs appliquée depuis le
1
er
janvier par l’opérateur pour faire face à la concurrence.
Des critiques internes contraignent
la Société générale à justifier sa stratégie
Le président de la BNP devait réunir, jeudi matin, son conseil d’administration
A la Société générale, quelques voix soulignent le
revirement brutal du président de la banque, Da-
niel Bouton, à l’égard d’un rapprochement de ré-
seaux bancaires. Les responsables de l’établisse-
ment rétorquent que la décision de fusionner avec
Paribas est mûrement réfléchie et qu’elle a été ar-
rêtée, en janvier, après consultation des trente
principaux cadres dirigeants, qui se seraient alors
tous opposés à un mariage avec la BNP.
LES DIRIGEANTS de la Banque
nationale de Paris (BNP) et ceux de
la Société générale (SG) ont-ils une
vision totalement différente de
l’avenir de l’industrie bancaire, ou
s’opposent-ils pour des questions
d’ego et de pouvoir ? Le débat est
ouvert, alors que deux projets – ce-
lui d’une fusion à trois SG-BNP-
Paribas et celui d’un mariage SG-
Paribas – sont en lice en Bourse.
Lorsqu’ils défendent leurs pro-
jets – comme ils l’ont fait devant
des députés du groupe d’étude sur
l’avenir du secteur bancaire, le
7 avril –, les patrons des trois
banques présentent deux visions
très différentes. Avec sa double
offre publique d’échange sur la So-
ciété générale et Paribas, Michel
Pébereau, le PDG de la BNP, dé-
fend la fusion à trois – le projet
« SBP » –, misant sur un rappro-
chement des réseaux d’agences. Il
estime que c’est la meilleure voie
possible pour enrichir son action-
naire et créer un groupe bancaire
très puissant en Bourse. M. Pébe-
reau a fait le point sur ce projet de-
vant son conseil d’administration,
jeudi 15 avril dans la matinée.
En refusant ce « très grand ma-
chin », Daniel Bouton et André Lé-
vy-Lang, respectivement prési-
dents de la Société générale et de
Paribas, continuent de plaider
pour un mariage à deux, amical,
tablant sur l’effet positif des
complémentarités entre la banque
d’investissement (marchés finan-
ciers, fusions et acquisitions) et la
banque commerciale, et, surtout,
entre les sociétés de services finan-
ciers spécialisées (crédit à la
consommation, crédit-bail) et les
agences.
Une interrogation subsiste tou-
tefois : pourquoi les dirigeants de
la BNP et de la Société générale
ont-ils, à plusieurs reprises (en dé-
cembre 1997 et en décembre 1998),
discuté d’un rapprochement de
leurs deux maisons si cela n’avait
aucun sens pour la Générale ?
Pourquoi la banque, présidée par
M. Bouton, était-elle candidate au
rachat du CIC il y a un an, puis à
une entrée dans le capital du Cré-
dit lyonnais, si elle juge sans inté-
rêt un rapprochement de réseaux
d’agences ?
« UNE FAIBLESSE »
La question se pose avec d’au-
tant plus d’acuité que, lors du
comité central d’entreprise de la
Société générale du 9 février, un
peu plus d’une semaine après l’an-
nonce du rapprochement SG-Pari-
bas, M. Bouton aurait déclaré, se-
lon le verbatim repris dans un tract
de la section parisienne de la CFDT
de la Générale : « Il existe une fai-
blesse dans SG-Paribas, c’est que
nous n’avons pas résolu le problème
à long terme des réseaux Société gé-
nérale et Crédit du Nord. Là, j’ai un
regret, parce qu’une fusion SG-BNP
était une opération qui, après inves-
tissements et des restructurations
considérables, garantissait la possi-
bilité vers la fin de la décennie 2000
de tenir complètement le réseau de
banque en dur, quelle que soit l’évo-
lution des comportements de la
clientèle... Je rêvais d’une opération
BNP qui aurait permis vers la fin de
la décennie 2000 de fusionner les
agences dans les zones dans les-
quelles nous avons une présence un
peu faible... C’est ce qui manque
dans l’opération SG-Paribas, c’est
pourquoi le Crédit lyonnais n’est pas
totalement dépourvu d’intérêt. »
Cinq cadres dirigeants de la SG,
qui se réfugient derrière l’anony-
mat, ont enfoncé le clou en indi-
quant dans une lettre publiée par
Libération le 14 avril, intitulée « Le
roi de la banque est nu », que
M. Bouton leur avait expliqué, à
l’occasion d’une grande réunion à
Deauville en octobre 1998, qu’une
opération réunissant deux
banques à réseau serait celle qui
créerait le plus de valeur pour la
Bourse.
Ces déclarations peuvent-elles
mettre à mal la stratégie de dé-
fense de M. Bouton face à l’offen-
sive de la BNP ? « Pas du tout », af-
firme-t-on à la Défense, au siège
de la Société générale, où l’on
donne un nouvel éclairage de la
décision de ne pas fusionner avec
la BNP. « Ce n’est pas une décision
prise par Daniel Bouton seul. Loin
s’en faut », explique un proche du
président : il rappelle que les trente
premiers cadres de la Générale se
sont réunis pendant trois jours à la
mi-janvier pour un séminaire de
stratégie. Un soir, Daniel Bouton a
demandé à chacun de rédiger une
petite composition libre présen-
tant pour lui l’avenir idéal pour la
Société générale. Le lendemain,
chacun a lu son texte : « Une très,
très large majorité a plébiscité le
rapprochement avec Paribas », se
souvient un des présents. Aucun
n’aurait souhaité un mariage avec
la BNP... M. Bouton avait alors en
tête trois pistes : des discussions
approfondies avec Paribas, qu’il
savait désormais possibles, un pro-
jet avec la BNP, dont les dirigeants
étaient demandeurs, et une piste
européenne. Il a choisi Paribas.
Les dirigeants de la Générale
craignaient alors que la fusion de
deux réseaux aussi proches que
ceux de la BNP et de SG soit ingé-
rable, dans le contexte social fran-
çais, avant 2005-2006. Le projet
BNP a donc été abandonné avant
même d’avoir été approfondi, dit-
on à la Défense. A moyen terme,
ils sont toutefois loin d’être oppo-
sés aux rapprochements de ré-
seaux, mais ils veulent le faire à
leur rythme, et sans doute lorsque
la SG, unie à Paribas, sera en posi-
tion de force face à la BNP. Reste
que M. Pébereau, qui sait que l’Eu-
rope bouge et que sa banque, si
elle reste seule, risque d’être une
proie tentante pour un étranger, a
décidé de tout faire pour imposer
un autre calendrier.
Sophie Fay
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